Marie-Line Kercret s’inspire des endroits qu’elle traverse en portant un regard social sur le monde et ses inégalités. Elle produit des dispositifs sur les circonstances changeantes qui définissent la singularité de l’existence.
Sa démarche c’est d’abord la découverte d’un lieu, un ancrage prédominant pour son inspiration qu’elle quête lors de voyages, de résidences artistiques à travers le monde ; chez elle aux Pays-Bas comme ailleurs où la situation peut être fragile et violente.
Ce mode opératoire du « site-specific » permet des images « installatives » intimement liées à leur contexte.
« Un lieu m’interpelle et me touche par son architecture, son emplacement, son histoire humaine, son contexte actuel ou passé (…) Je me pose la question de savoir s’il peut permettre de véhiculer une pensée universelle. »
Pour donner naissance à un sensible commun, le lieu est souvent pris dans un contexte idéologique, de pouvoir et de domination, de construction mémorielle et collective. Marie-Line Kercret interroge l’espace, le temps et les formes avec pour support une performance ou une installation. De la capture instantanée du réel aux mises en scène temporaires, elle détourne les éléments pour leur donner une forme plastique et créer une architecture poétique. La photographie intervient ensuite comme moyen de documentation.
Ce travail indiciel n’aborde pas frontalement les questions mais propose un jeu de signes, de gestes transitifs et d’instantanés de vie ; une véritable stratégie de lutte contre l’injustice.
« Le détail perçu tel une perche tendue est déclencheur d’une réflexion. L’absurdité, la colère, le drame, l’injustice, le mal-vivre, l’aspect culturel… sont des éléments qui me touchent par leur échelle humaine, souvent actuelle. »
La série Chantage montre des affiches de propagande ; la politique corrompue du chef du gouvernement de Kampong Cham - ville du centre du Cambodge - qui souhaite construire un pont low-cost et dont les habitants ne veulent pas.
La performance Mémorials met en relief les résidus de la vie quotidienne, des déchets domestiques inévitables jonchant les voies publiques à Doi Saket en Thaïlande.
Usage unique met en scène des armes bricolées aux munitions multicolores évoquées par des pinces ombilicales et s’attache à soutenir que la guerre n’est pas un jeu pour les enfants, c’est même une réalité pour certains d’entre eux qui subissent les conflits armés sur leur territoire.
Déchets, armes, cordes, ficelles, douches… L’artiste s’attarde sur les vestiges du réel sans avoir la volonté d’en révéler l’importance esthétique.
« L’esthétisme n’est pas une fin en soi dans mon travail. S’il joue un rôle dans une installation, je l’utilise comme un élément de lecture, de réflexion, tel un outil pour interpeller, provoquer, émouvoir. »
L’intime s’imbrique avec le questionnement social pour donner forme au sensible et consistance au visible. Une apparente tranquillité se dégage subtilement, délivrant une sourde gravité. Sa position d’observatrice fabrique des représentations qui touchent le militantisme social et environnemental ; un véritable activisme dont la forme créatrice devient parfaitement identifiable. Cette nécessité de « faire image » avec les lieux, les objets, les matières et les récits rassemblent les couches mémorielles et se cristallisent parfois en fossiles plastiques. Les œuvres de Marie-Line Kercret
restent minimales avec un onirisme certain, toujours prêt à s’abstraire du réel. Ce pur moment de relation au monde questionne. Chaque situation reste ouverte au prolongement et à l’interprétation. Le regard, libre de circuler ici et là, oscille d’un niveau de réalité à un autre, dans un écart intuitif où se mêle émotion et réflexion.
Canoline Critiks, critique d’art, 2017
Les oeuvres (principalement in situ) ont été exposées dans divers pays : Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, France, Grèce, Pays-Bas, Pologne, Thailande et Vietnam.
Le murmure des lieux…
Marie-Line Kercret est une artiste du Vivre ensemble.
Elle a comme point d’ancrage le patrimoine culturel, politique et social.
Ensuite vient la rencontre avec un lieu, une personne, une histoire, une mémoire et c’est dans ce pas vers l’autre qu’elle s’interroge et amorce son travail.
Telle une archéologue elle implante et déploie son grand chantier, entre recherches et créations.
Marie-Line Kercret scrute, observe, écoute et s’imprègne de ce que lui murmure notre société afin d’en rendre compte par des systèmes créatifs du fond à la forme, du mot au signe, de l’aplat au volume.
Rien ne lui échappe !
Ses œuvres prennent place et viennent nous raconter une histoire, nous délivrer un poème, ou remplir un silence. Le silence du plein et du vide, de ce qui se joue ou pas, de ce qui se donne à voir ou pas. Le silence est d’or et c’est à lisière de deux mondes que Marie-Line Kercret nous livre sans rien imposer une autre façon d’entrevoir l’existence, de l’appréhender.
Tel un secret ses œuvres chuchotent de par leurs matières, leurs espaces, leurs respirations.
Les propositions plastiques de Kercret sont un langage parallèle aux dires préexistants du lieu qu’elle revisite. Elle y crée des ponts, des métaphores, des énigmes et en transcende l’histoire initiale afin que nous y percevions autre chose. De cette approche et démarche artistique le spectateur prend part dans cette nouvelle proposition et en devient malgré lui acteur et passeur.
Son travail artistique nous pousse à s’interroger et réfléchir avec d’autres codes, clés que l’artiste nous soumet, à nous de les saisir ou pas.
L’itinéraire bis car oui il s’agit bien d’un itinéraire que proposent les œuvres de Marie-Line Kercret, permettent la revisite, la résonnance et la transmission. Ce sont dans ces termes et volonté que Marie-Line Kercret est à mes yeux une artiste de l’initiation, du Vivre ensemble et de la mémoire.
Julie Perin, 2012